Chacun pour soi et TopPharm contre tous?
La pénurie de médecins, la pénurie de personnel qualifié, mais également la pénurie de pharmaciens sont une réalité. Il est tout aussi évident que c’est uniquement en nous unissant que nous parviendrons à relever les défis liés au nombre croissant de patients multimorbides et toujours plus âgés. Pour cette raison, «Médecins de famille Suisse» a créé il y a 3 ans la plateforme Interprofessionnalité et même le Conseil fédéral a donné mandat pour élaborer un concept de programme visant à favoriser la collaboration interprofessionnelle dans le domaine de la santé, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2017–2020.
Nous tous, nous devons repenser la prise en charge médicale de premier recours, donner un coup de jeune à nos professions et adapter nos champs d’activité. A cette fin, il est nécessaire d’avoir un processus commun, de la concertation, du consensus. A l’avenir, la prise en charge dans le cadre de la médecine de premier recours doit englober tous les domaines et aucune pièce, a fortiori si elle est lucrative, ne doit être soustraite de la mosaïque.
pharmaSuisse et Médecins de famille Suisse sont en train de planifier un programme interprofessionnel commun pour le dépistage précoce du cancer du côlon chez les patients à faible risque. Et toutes les prévisions pour de tels programmes communs se révèlent exactes: «commun» signifie que déjà le concept doit être planifié ensemble, que des critères collégiaux sont à appliquer, que la communication est assurée ensemble et parvient véritablement jusqu’à la base. Pour le projet pilote, nous avons encore dû apprendre à nos dépens, mais espérons en avoir tiré des enseignements suffisants. La base fait preuve d’un grand scepticisme, qu’il s’agisse des médecins de famille ou des pharmaciens. Les réactions sont un mélange d’anciens préjugés et de craintes pour l’avenir. Si nous ne réussissons pas à créer une véritable situation gagnant-gagnant, le projet risque d’échouer.
Nous ne pouvons pas nous permettre un tel échec! Si nous ne parvenons pas à véritablement placer le bénéfice pour le patient au centre des priorités et à laisser nos états d’âme individuels de côté, ce sont les patients qui en paieront le prix.
En cette phase difficile et complexe, voici à présent les initiatives solitaires de TopPharm: qu’il s’agisse de modèles pharmacien-médecin de premier recours autoproclamés avec SWICA, d’allégations d’une prétendue compétence dans le traitement de la douleur de concert avec la CSS ou d’une usurpation de la dénomination «coach santé» issue de notre programme Coaching santé établi de longue date, tous ces projets contrarient avant tout les efforts déployés pour trouver et instaurer des solutions viables destinées à garantir la pérennité de la médecine de premier recours à l’avenir et à assurer la prise en charge appropriée des patients. Des succès marketing de courte durée doivent bercer les patients dans une sécurité illusoire, mais une amère déception est à prévoir.
Le processus de l’interprofessionnalité a pris un bon démarrage au cours de ces dernières années, mais la route vers une large acceptation est encore longue et semée d’embûches. Les initiatives solitaires de chaînes de pharmacies, de certaines caisses-maladie ou de certains groupes professionnels sont comme le feu d’artifice de la Saint-Sylvestre ou du 1er août: une brève détonation, mais sans pertinence aucune (sauf à la rigueur les répercussions négatives sur la nature…).
C’est uniquement ensemble que nous parviendrons à relever les défis de l’avenir. Tout le monde est invité au dialogue et à la collaboration!
Marc Müller, président «Médecins de famille Suisse»